Dessin de Muriel Geny
Dans une grande ville du sud
J’ai rendez-vous à l’Urssaf pour défendre le dossier d’un très proche parent.
Lui bloque. On sait combien cela devient passionnel lorsqu’on est directement concerné.
J’arrive dans les vastes locaux de l’organisme si craint par les artisans, commerçants, professions libérales….
Il y a une queue permanente ; il faut voir les mines des «clients présents» !
L’hôtesse, à qui vous expliquez succinctement le but de votre visite vous délivre un ticket d’attente portant un numéro qui indique le rang de passage.
Et selon le motif, on vous demande de vous asseoir dans le salon vert, jaune ou rouge ; les tons dégradés de la gravité de votre cas…
J’ai le numéro 200 et il m’est précisé d’attendre sur une chaise du salon rouge…
Rouge. Cette couleur m’a toujours inquiété ; rouge, c’est la couleur du sang, c’est la vue de l’hémorragie, c’est presque un peu la tête sur le billot avant l’exécution.
Et l’attente commence ; je lis vaguement le journal gratuit qu’on m’a remis en pénétrant dans le métro ; Berlusconi, le cavalière prend presque toute la page .
Sur les tableaux lumineux du mur s’affichent les numéros appelés ; 198, donc ça va venir à moi…
Je structure dans ma tête le discours que je vais tenir… je regarde à travers les portes vitrées des bureaux l’accueil et le tourment des visiteurs.
C’est simple : vous rentrez, le collaborateur ou la collaboratrice de l’Urssaf ne se lève pas pour vous saluer, ne vous tend pas la main, n’esquisse même pas un sourire . Donc même pas l’instant d’une seconde où vous pouvez vous détendre.
Le temps passe ; j’attends depuis deux heures ; je jette un œil sur le tableau rouge des numéros appelés ; on est au numéro 206 ; donc l’ordre chronologique n’a pas été suivi et j’interpelle une employée qui sort de son bureau en demandant des explications ; elle ne sait pas, elle n’est au courant de rien, elle est inspectrice, me dit-elle et s’en tient là ; je lui demande la signification des fauteuils verts, jaunes et rouges ; elle ne sait pas non plus ; je hausse le ton : j’ai fait 700 kilomètres pour cet entretien et je précise que je ne partirai pas sans un accord et je me tanque dans mon fauteuil ; elle réalise qu’il faut agir et elle téléphone à ses chefs pour qu’un d’entr'eux me reçoive ; elle me confirme que c’est par erreur que je n’ai pas été appelé.
On me conduit dans le bureau d’un inspecteur ; il ne lève même pas les yeux ; cinq fois, il me demande le numéro d’immatriculation que je ne retrouve plus.
C’est bon, j e l’ai ; il compulse je ne sais pas quoi sur son ordi pour me dire aussitôt : ce n’est pas à moi de m’occuper de vous.
Mais qui alors ?
On me conduit dans le bureau d’un autre responsable ; c’est pareil. Le problème ne peut pas être résolu ; j’explose « un peu »: j’ai fait 700 kilomètres, je ne partirai pas sans un accord.
Mon interlocutrice menace : attention, ici je représente l’Urssaf !
Mais je suis rentré dans la spirale de la résistance et je ne cède pas : je martèle : je ne partirai pas d’ici sans un accord ; elle me fusille du regard avec un air martial et clame :
" Nous ne sommes pas en Chine, ici ! "
Ah, je comprends ! On met la Chine à toutes les sauces maintenant pour tout expliquer et se défausser de tout !
Conclusion : j’ai résisté jusqu’au bout, n’ai pas cédé et suis parti avec un accord.
A quel prix !
Je repense à la Chine et aux jeux olympiques ; à un certain Robert Ménard qui grimpe la Tour Eiffel, qui déploie des drapeaux pendant la cérémonie en donnant un spectacle peu reluisant.
Certes les engagements ne sont pas comparables mais je pensais quand même ce matin qu’il ferait mieux de venir s’exhiber à l’Urssaf pour un monde meilleur.